Initiés
Bassin du Congo
▪︎ Du 09/10/2013 au 06/07/2014
▪︎ Musée Dapper
Initiés
Bassin du Congo
Du 09/10/2013 au 06/07/2014
Musée Dapper
DESCRIPTION
Exposition Initiés
Les initiations représentent des étapes déterminantes dans la vie des êtres humains. Elles scandent l’existence sans possibilité de retour en arrière : elles impliquent une transformation définitive. En Afrique, elles sont souvent orchestrées par les sociétés qui en font des passages obligés pour accéder à une position particulière. Les plus connues concernent la transition vers le monde des adultes, mais les rituels qui accompagnent la naissance, la mort ou d’autres changements de statut en font également partie. Elles étaient autrefois habituelles en Afrique centrale. Aujourd’hui, elles disparaissent progressivement ou perdent leur implacable rigueur. Elles résistent mal aux exigences de la vie contemporaine, aux rythmes scolaires, aux religions importées, à l’exploitation économique, à l’instabilité politique et aux pressions normatives de la mondialisation.
Initiés
Masques de Romuald Hazoumè
Les masques sont des agents incontournables dans presque toutes les initiations : ils inquiètent, ils enseignent, ils protègent, ils infligent des épreuves, ils dévoilent leurs secrets et participent activement à la quête identitaire.
Ceux de Romuald Hazoumè s’inscrivent admirablement bien dans le bouillonnement créateur des grandes transformations, générant surprises et interrogations. Ses oeuvres sont aussi le résultat d’un processus initiatique, celui qui a mené cet artiste béninois, aujourd’hui célèbre, à interroger son rôle et à explorer de nouvelles pistes de réflexion sur la société de consommation : le gaspillage révoltant de l’Occident et les enjeux de la récupération en Afrique. Lui-même a évolué dans un milieu où le christianisme se frottait aux rites du vaudou béninois, s’en imprégnait, s’y mêlait. Il observe avec humour, mais sans aucune condescendance, le choc de cultures dont il éprouve les limites par le biais de sa démarche artistique. Ses masques, bien évidemment, rappellent ceux des initiations africaines, mais ils évoquent aussi ceux pour lesquels l’Occident conçoit un engouement suspect et, parce qu’ils sont bidons au sens propre et figuré, ils nous renvoient nos contradictions, nos questionnements sur l’authenticité, notre dévotion pour l’Art et ses manifestations.
Le monde yoruba et le fa
Le babalawo, qui signifie en yoruba « l’homme qui connaît le secret, qui a la connaissance », est un grand prêtre du fa. Nous, les Yoruba, avons réfléchi depuis toujours, comme le reste du monde, sur la vie, la mort, la femme, l’homme… Nos réponses ont été traduites dans la géomancie divinatoire, une zone de connaissance qui s’étend du bas occidental nigérian au bas occidental ghanéen et se nomme, chez nous au Bénin, le fa.
Au commencement la peinture
En Afrique, on a toujours fait de la peinture, mais pas comme les Occidentaux l’ont toujours pensé. Notre peinture, elle n’est pas faite sur des toiles au départ, elle est faite sur des tissus comme celui de mon boubou, ou sur des maisons. Autrefois on utilisait de la bouse de vache, ou de l’indigo pour embellir nos maisons. Moi j’ai commencé par la peinture, et dans cette série intitulée « Signes », j’ai simplement « piqué » cette technique-là aux femmes qui en sont les meilleures manipulatrices et l’ai appliquée à cette connaissance que l’on appelle le fa. Il faut comprendre que le fa n’est pas un vaudou. Ce n’est pas un orisha. Un vaudou peut être bon ou mauvais, le fa n’est ni bon ni mauvais. Que dit-il ? Il dit qu’il est les quatre éléments à la fois et le résultat de ces quatre éléments combinés. Dans l’une de mes toiles, le carré dans le rond représente la terre. Ce signe dit que nous sommes tous terre et deviendrons tous terre. Nos aïeux qui ne savaient pas écrire à l’époque ont choisi ce signe pour transmettre ce qu’ils savaient sur la mort.
Je suis un artiste africain
Beaucoup de mes collègues ne veulent pas être assimilés à « l’artiste africain », or, moi, je suis un artiste africain, je n’ai pas peur de le dire, mais je fais partie de toute la bande d’artistes du monde, et je continue de vivre en Afrique parce que je suis un arè, j’ai un rôle à jouer pour la culture de mon peuple, je tiens à ce rôle-là et je n’ai jamais eu peur de me mettre dans un aussi magnifique boubou que celui d’aujourd’hui, pas plus que de me promener à Londres, Paris ou Sydney dans mon énorme boubou car moi, Romuald Hazoumè, je sais d’où je viens et que cela me suffit. C’est comme si on avait honte de notre culture. Ceux qui se fondent au milieu de mille artistes français n’existeront pas tant qu’ils ne feront pas mieux que ces artistes français. La seule chose que nous avons à vendre c’est ce que nous connaissons le mieux, c’est notre culture, pas celle des autres, et c’est ça être un artiste africain aujourd’hui. Pour moi.
Coiffures
Il faut savoir que chez nous, autrefois, la femme avait une carte d’identité matrimoniale que l’on pouvait percevoir dans sa coiffure. Femme libre, mariée, femme qui a des enfants des deux sexes, femme nymphomane, oui, aussi, chacune a une coiffure donnée qui crée un langage connu des femmes entre elles. Il existe même une coiffure indiquant celle qui n’est intéressée que par l’argent. Ce langage est quelque chose que l’on a perdu. Cette mèche (voir p. 222 du livre Initiés, bassin du Congo) est portée aujourd’hui, venue de Chine, par des gamines de douze ou seize ans qui ignorent qu’elle est à l’origine réservée à la femme ménopausée… Et moi je continue de porter cette culture-là, qui est riche et que je ne veux pas perdre.
▪︎ DESCRIPTION
Exposition Initiés
Les initiations représentent des étapes déterminantes dans la vie des êtres humains. Elles scandent l’existence sans possibilité de retour en arrière : elles impliquent une transformation définitive. En Afrique, elles sont souvent orchestrées par les sociétés qui en font des passages obligés pour accéder à une position particulière. Les plus connues concernent la transition vers le monde des adultes, mais les rituels qui accompagnent la naissance, la mort ou d’autres changements de statut en font également partie. Elles étaient autrefois habituelles en Afrique centrale. Aujourd’hui, elles disparaissent progressivement ou perdent leur implacable rigueur. Elles résistent mal aux exigences de la vie contemporaine, aux rythmes scolaires, aux religions importées, à l’exploitation économique, à l’instabilité politique et aux pressions normatives de la mondialisation.
Initiés
Masques de Romuald Hazoumè
Les masques sont des agents incontournables dans presque toutes les initiations : ils inquiètent, ils enseignent, ils protègent, ils infligent des épreuves, ils dévoilent leurs secrets et participent activement à la quête identitaire.
Ceux de Romuald Hazoumè s’inscrivent admirablement bien dans le bouillonnement créateur des grandes transformations, générant surprises et interrogations. Ses oeuvres sont aussi le résultat d’un processus initiatique, celui qui a mené cet artiste béninois, aujourd’hui célèbre, à interroger son rôle et à explorer de nouvelles pistes de réflexion sur la société de consommation : le gaspillage révoltant de l’Occident et les enjeux de la récupération en Afrique. Lui-même a évolué dans un milieu où le christianisme se frottait aux rites du vaudou béninois, s’en imprégnait, s’y mêlait. Il observe avec humour, mais sans aucune condescendance, le choc de cultures dont il éprouve les limites par le biais de sa démarche artistique. Ses masques, bien évidemment, rappellent ceux des initiations africaines, mais ils évoquent aussi ceux pour lesquels l’Occident conçoit un engouement suspect et, parce qu’ils sont bidons au sens propre et figuré, ils nous renvoient nos contradictions, nos questionnements sur l’authenticité, notre dévotion pour l’Art et ses manifestations.
Le monde yoruba et le fa
Le babalawo, qui signifie en yoruba « l’homme qui connaît le secret, qui a la connaissance », est un grand prêtre du fa. Nous, les Yoruba, avons réfléchi depuis toujours, comme le reste du monde, sur la vie, la mort, la femme, l’homme… Nos réponses ont été traduites dans la géomancie divinatoire, une zone de connaissance qui s’étend du bas occidental nigérian au bas occidental ghanéen et se nomme, chez nous au Bénin, le fa.
Au commencement la peinture
En Afrique, on a toujours fait de la peinture, mais pas comme les Occidentaux l’ont toujours pensé. Notre peinture, elle n’est pas faite sur des toiles au départ, elle est faite sur des tissus comme celui de mon boubou, ou sur des maisons. Autrefois on utilisait de la bouse de vache, ou de l’indigo pour embellir nos maisons. Moi j’ai commencé par la peinture, et dans cette série intitulée « Signes », j’ai simplement « piqué » cette technique-là aux femmes qui en sont les meilleures manipulatrices et l’ai appliquée à cette connaissance que l’on appelle le fa. Il faut comprendre que le fa n’est pas un vaudou. Ce n’est pas un orisha. Un vaudou peut être bon ou mauvais, le fa n’est ni bon ni mauvais. Que dit-il ? Il dit qu’il est les quatre éléments à la fois et le résultat de ces quatre éléments combinés. Dans l’une de mes toiles, le carré dans le rond représente la terre. Ce signe dit que nous sommes tous terre et deviendrons tous terre. Nos aïeux qui ne savaient pas écrire à l’époque ont choisi ce signe pour transmettre ce qu’ils savaient sur la mort.
Je suis un artiste africain
Beaucoup de mes collègues ne veulent pas être assimilés à « l’artiste africain », or, moi, je suis un artiste africain, je n’ai pas peur de le dire, mais je fais partie de toute la bande d’artistes du monde, et je continue de vivre en Afrique parce que je suis un arè, j’ai un rôle à jouer pour la culture de mon peuple, je tiens à ce rôle-là et je n’ai jamais eu peur de me mettre dans un aussi magnifique boubou que celui d’aujourd’hui, pas plus que de me promener à Londres, Paris ou Sydney dans mon énorme boubou car moi, Romuald Hazoumè, je sais d’où je viens et que cela me suffit. C’est comme si on avait honte de notre culture. Ceux qui se fondent au milieu de mille artistes français n’existeront pas tant qu’ils ne feront pas mieux que ces artistes français. La seule chose que nous avons à vendre c’est ce que nous connaissons le mieux, c’est notre culture, pas celle des autres, et c’est ça être un artiste africain aujourd’hui. Pour moi.
Coiffures
Il faut savoir que chez nous, autrefois, la femme avait une carte d’identité matrimoniale que l’on pouvait percevoir dans sa coiffure. Femme libre, mariée, femme qui a des enfants des deux sexes, femme nymphomane, oui, aussi, chacune a une coiffure donnée qui crée un langage connu des femmes entre elles. Il existe même une coiffure indiquant celle qui n’est intéressée que par l’argent. Ce langage est quelque chose que l’on a perdu. Cette mèche (voir p. 222 du livre Initiés, bassin du Congo) est portée aujourd’hui, venue de Chine, par des gamines de douze ou seize ans qui ignorent qu’elle est à l’origine réservée à la femme ménopausée… Et moi je continue de porter cette culture-là, qui est riche et que je ne veux pas perdre.
En images
L'exposition en quelques photos
© Photo Jérôme Faby - archives Musée Dapper.
Plastique, graines, plumes, céramique, métal et acrylique
H. : 48 cm
Courtesy CAAC
Collection Jean Pigozzi, Genève
Photo de Claude Postel
© Romuald Hazoumè – ADAGP, 2013.
Courtesy André Magnin (Magnin-A, Paris)
© Romuald Hazoumè.